Au retour de ses journées de poseur de lignes de la Société d’électricité du littoral, le père du romancier Pierre Magnan rapportait sa biasse pleine de ces objets et de ces récits simples et merveilleux qui savent former la personnalité d’un enfant.
«Le monde pénétra d’abord en moi par la biasse de mon père» C’est ainsi que Pierre Magnan ouvrit les premières pages de son auto-biographie lorsqu’il en offrit la primeur à Alpes de Lumière en 1983.
Ce fut une joie de découvrir les souvenirs d’enfance de celui qui était déjà un écrivain reconnu et qui allait devenir un auteur révélé au grand public par les adaptations à l’écran de quelques-uns de ses romans et d’abord par La Maison assassinée de Georges Lautner.
Ce récit de vie s’est développé au fil de trois autres opus: L’Amant du poivre d’âne, Apprenti et Un monstre sacré. Mais c’est cette «biasse» qui annonce le plus fortement ce que Pierre Magnan ne cessera de répéter sur son appartenance à son « pays» natal, la haute Provence, celle des plateaux et des collines, celle de Manosque. Le tout baigné par les parfums subtils des badassières, des pluies d’été sur les landes arides et, «universelle et lui parlant de tout, l’odeur du pebre d’ai, la sarriette des Français», autrement dit ce «poivre d’âne» dont il se dira l’amant éperdument amoureux et dont il fera le titre de la suite de ses mémoires.
On ne saurait mieux accompagner l’ouvrage Adieu pays ! de Claude Martel, sur la langue régionale de Pierre Magnan, que par la réédition de ce texte délicieux qui, en peu de pages, nous livre les considérations de notre auteur sur « le dialecte manosquin », mais aussi et surtout la mise en musique de cette langue dont les notes sont ces « mots plein de sève et de chaleur qui sont faits pour être prononcés dans le vent ».
Une langue et des mots que, comme le craignait Pierre Magnan, «nous enterrerons avec nous». C’est précisément ce qui leur donne aujourd’hui toute leur charge d’émotion.